Les Bougreries d’Escarpin


Acte II

Appartements d’Aïcha


Scène dernière. Sadoq, Hadda, Abd Al-Halim, Nacer, Aïcha, Idriss, Ismée, Leyla.


Hadda. – Ah, mon cher époux ! Voilà votre favorite et son amant… Jolie prise assurément!

Abd Al-Halim, à part. – Ce caleçon… Ne serait-ce pas mon imbécile de fils?

Sadoq. – Qu’on les démasque !

(L’un des gardes arrache les deux voiles. Sadoq, Idriss, Hadda, réagissent ensemble, tandis qu’un «Oh!» montre de la garde:)

Sadoq. – Mais, par tous les démons ce n’est pas la nouvelle favorite!

Idriss, en même temps. – Ça alors, le fils de mon maître avec la première kajira !

Hadda, en même temps. – Par la peste de Bazi, cette idiote d’Ismée !

Aïcha, sortant de derrière le paravent sur un signe de Leyla. – Naye, votre Grâce, ce couple ridicule ne se compose en rien de ce qu’on vous a dit. (Elle retire le voile qui masque ses traits.) Je suis bien Aïcha, la fille du marchand de Chabahar. (Idriss la regarde les yeux ronds.) Et vous pourrez faire vérifier par tous les soigneurs du palais que je suis intacte. Il y a bien eu, Majesté, une conspiration pour que vous ne puissiez jouir de mon pucelage (Elle défie la Reine du regard.). Mais si j’ai pu malgré tout me conserver toute entière, c’est grâce à cet homme (Elle désigne Idriss de l’index.)

Leyla, à part. Si, elle, elle est entière, son amoureux hélas ne l’est pas!

Pendant cette déclaration, Sadoq a pris le temps de lire de billet conservé par Idriss. Il lève les yeux vers Aïcha…

Sadoq. – Et comment s’y est-il pris, Aïcha?

Aïcha. – Par l’intelligence et la ruse. (Elle regarde Idriss avec une petite moue amusée.) Les façons qu’il a de triompher des obstacles sont parfois obscures et embrouillées, mais il parvient toujours à faire éclater la vérité.

Sadoq. – Et toi, Mustapha, pourquoi t’être à ce point attaché à la vertu de ma favorite. Car je ne pense pas que ce soit uniquement pour me servir…

Idriss. – Enfant, votre Immensité, j’ai aimé une fillette, qui était le seul être sur Gor à me faire oublier ma triste condition. Cette petite s’appelait Aïcha. J’ignorais bien sûr, quand je me suis porté à votre service, que votre Aïcha et la mienne ne faisaient qu’une seule et même personne. Oui, votre favorite est celle que je chéris dans mon cœur depuis l’âge tendre. Mais je ne l’ai appris qu’il y a quelques ehns à peine… Il me suffisait auparavant de savoir que vous vouliez une certaine vierge, et que celle-ci portait le nom que je révère depuis l’enfance pour prendre fait et cause pour ce royal pucelage. 

Sadoq. – Lève toi, Mus… Idriss, lève toi, mon fils! (Un murmure d’étonnement parcourt l’assistance.) À présent, je comprends le présage: «Votre fils épousera votre femme». L’astrologue du palais avait simplement la vue un peu trouble. Tu es bien mon fils, Idriss, ce fils que j’ai voulu faire noyer parce que je craignais que tu me ravisses Nour, ta pauvre mère, que j’ai pourtant laissé mourir de chagrin. Viens dans mes bras, mon enfant, tu es prince de sang. (Le père et le fils s’étreignent rapidement, puis Idriss vient se placer à côté du pacha.) Et toi, Aïcha, si tu l’aimes toujours, je te donne à mon fils,  Idriss. (Il regarde Hadda froidement et lui lance, de manière à n’être entendu que d’elle:) Voilà, Madame, où nous conduisent toutes vos manigances. (À voix haute:) Quant à toi, Ismée, retourne auprès de ta maîtresse. L’équipement que tu portes lui plaira peut-être…

Idriss. – Mon père, je n’aurai jamais triomphé dans toutes mes entreprises sans l’aide de Leyla, la fidèle kajira d’Aïcha…

Sadoq. – Eh bien? Que demande-tu pour elle, Idriss?

Idriss, mettant un genou par terre. – La liberté et…

Leyla, s’est approchée d’Idriss et lui murmure à l’oreille. – La liberté me va bien, mon doux prince, à condition que je puisse rester attachée à ma maîtresse… Mais ne pourrais-je avoir le beau Nacer en prime?

Sadoq. – La liberté et?

Idriss. – … et l’homme au caleçon comme fidèle kajiru.

Nacer. – Mais, je suis homme libre!

Leyla. – Trop libre de tes mœurs, aye, infidèle…

Sadoq – Ainsi en ai-je décidé! Je proclame Leyla femme libre et Nacer son kajiru. (Tous s’agenouillent devant le pacha.)

Leyla, chuchotant à l’oreille d’Aïcha. – Épouser un eunuque, ce n’est quand même pas le pied!

Aïcha, en riant, murmurant elle aussi. – Tu préférerais que j’épouse le savetier? Je serais assurément mieux chaussée! Allons, Leyla, tu ne vois pas que le sacrifice de ses parties génitales n’était qu’un simulacre imaginé par Idriss?

Leyla, fixant l’entre-jambes d’Idriss. – C’est que… D’ici, je ne vois rien!

Sadoq,  frappant dans ses mains. – Qu’attendez-vous, mes enfants, pour vous jeter dans les bras l’un de l’autre? (Idriss et Aïcha se lèvent et s’étreignent passionnément.) Allons, qu’on prépare la salle des fêtes, afin que nous puissions fêter dignement les noces prochaines de mon fils, le Prince Idriss avec la Princesse Aïcha!

(Tous entament la sarabande finale.)

Épilogue

dit par Aïcha qui s’avance au devant de la scène.


Belles dames et gentils sires

Puissiez-vous avoir apprécié

Le joli conte qu’on a joué

Dans le seul but de vous séduire.

N’hésitez point, l’instant venu,

De bien vouloir nous applaudir.

Et sachez, pour notre plaisir, 

Que tarsks et coins sont bienvenus.


FIN