Les Bougreries d’Escarpin


Acte I

Premier Tableau
l’Échoppe d’Abd al-Halim

Scène 6. Abd Al-Halim, Idriss.


Idriss. – Vous voilà bien loti, mon pauvre Maître, avec pareil adversaire…

Abd Al-Halim, se redressant. – Bah! Tu sais, ce n’est qu’un enfant, je ne le crains nullement. Les femmes préfèrent les hommes d’expérience.

Idriss, hochant la tête exagérément. – Aye, d’une grande, très grande (Prend une voix chevrotante de vieillard cacochyme:), hum! hum! d’une looooooooongue expérience…

Abd Al-Halim, se rengorgeant coquettement. – Une tête de sage dans un corps dont la virilité s’est affirmée au cours des ans… (Une pause.) N’empêche, cette histoire de déguisement m’a donné une idée… Connais-tu l’histoire de Cléopâtre?

Idriss, secouant la tête. – Cléo, le pâtre? Mon maître! Naye, je ne le connais point. Était-ce un berger tombé amoureux de ses verrettes

Abd Al-Halim. – Que t’en vas-tu chercher, tête sans cervelle? Décidément, les esprits ne sont tournés qu’à la luxure désormais… Naye, Cléopâtre était une terrienne, une femme du Tahari de là-bas. Elle s’introduisit auprès du pacha qu’elle voulait séduire, un certain Size-Hard dans un tapis… Quand le tapis fut déroulé, le puissant homme tomba fou d’elle. Je vais me déguiser en femme…

Idriss, un sourire aux lèvres. – Et vous allez séduire notre pacha!

Abd Al-Halim, lui donnant une fois de plus un coup sur la tête. – Mais Naye! Imbécile, je vais tourner l’histoire à ma sauce. Une fois dans la place, je me ferai la confidente d’Aïcha et je finirai bien par… Enfin, tu devines!

Idriss. – À peu près mon maître! Vous lui mettrez le pied dans le trou…

Adb Al-Halim, lui assenant un autre coup. – Mais Naye, imbécile, je la mignoterai, je la baisouillerai, je la…

Idriss. – J’ai compris, mon bon Maître. Vous ferez ce que je voulais faire avec la babouche tout à l’ahn!

Abd Al-Halim. – Ah oui, si je pouvais l’ouvrir, quel pied!

(Il sort.)


Scène 7. Idriss, seul.


Idriss. – Je suis las de tes coups, vieil homme. Mais j’aurai ma revanche, je te garantis. Ah, le père et le fils me traitent comme un moins que rien. Ils vont voir. Je vais leur rendre coup pour coup. Suis-je une chose, pour qu’on ne songe qu’à me piétiner. Suis-je une bête, pour qu’on me traite comme une créature sans cervelle? J’aime à faire le bouffon, c’est vrai! C’est toutefois parce que le rire est tout ce qui peut égayer ma pauvre existence. Je m’amuse de tout, plutôt que d’en pleurer. Mais à présent, c’est assez! Ils vont voir, ces beaux sires. Si le destin m’a fait kajiru, la nature ne m’en a pas moins fait homme. Selim, le Grand Eunuque est de mes amis. Je vais leur préparer un petit tour à ma façon dont ils se souviendront.


RIDEAU (ou changement de décor à vue)