Les Bougreries d’Escarpin
Acte II
Appartements d’Aïcha
Scène 5. Nacer, Ismée, Leyla.
Ismée, d’une voix qu’elle s’efforce de rendre grave. – Tal, sœurette. Ta maîtresse est-elle là?
Leyla, montrant le paravent. – Elle est, là derrière. Elle s’habille…
Ismée. – Dans son salon? L’idée n’est pas banale… Je m’en vais l’aider un peu…
Leyla. – Dois-je me retirer, mon frère?
Ismée. – Naye, petite, j’ai juste à parler à ta maîtresse! (À part:) Il n’est pas mauvais que la scène ait quelques témoins! (S’avançant vers le paravent:) Oh! ma douce Aïcha, ma fleur, ma tendre peluche…
Nacer, déguisé en Aïcha, sort la tête par le paravent. Leyla, redevenue kajira se cache aussitôt derrière un rideau. – Je crains que vous ne fassiez erreur, mon bel esclave. (À part:) Par Iblis, il faut pourtant que je joue le jeu. Ce diable d’homme doit connaître la nouvelle favorite. Acquiesçons à tout ce qu’il dira…
Ismée, d’un ton mélancolique. – Ah, ma douce Aïcha! Je comprends que tu ne me reconnaisses pas! Cela fait si longtemps… (Durant ce qui suit, Ismée prend la main de Nacer, l’embrasse tendrement, et l’entraîne de l’autre côté du paravent, où il finiront pas s’asseoir…
Nacer, se laissant faire. – Hu, hu, hu… Aye, si longtemps…
Ismée. – Nous étions encore des enfants…
Nacer. – Aye, des tout petits petiots… Piou, piou, piou!...
Ismée. – Tu n’avais pas encore de seins, ou si peu… (Ils s’asseyent.) Tandis qu’à présent… (Elle presse la fausse poitrine de Nacer)…
Nacer. – Oh mon ami, voyons,! C’est que je suis promise au Pacha…
Ismée. – Te rappelles-tu la promesse que tu m’as faite?
Nacer. – Pour tout vous dire, pas vraiment!
Ismée, contrefaisant l’homme qui imite une voix de femme. – «Tu seras le premier!»
Nacer. – J’ai dit cela, moi?
Ismée. – Aye, et l’ahn est venue de tenir ta promesse! (Elle lui retrousse sa robe, et fait apparaître le caleçon à pois.) Oh les jolis dessous… Allez, laisse toi faire! (Nacer se cache la tête sous les coussins. Ismée à part:) La garce, cela fait des mois qu’on ne l’a pas passée à la cire dépilatoire! (Elle se débraguette. Elle porte un harnais godemichet dont on découvre à présent la partie phallique. Nacer et elle ne tardent pas à disparaître sous les coussins, on n’entendra plus que leurs voix, jusqu’à ce qu’ils quittent la scène, l’un poursuivant l’autre. De temps en temps, un coussin vole, un cri retentit.)
Leyla, sort la tête de derrière le rideau regardant médusée le spectacle. – Par tous les Prêtres-rois des Sardars et d’ailleurs! Les événements prennent un tour que je n’avais pas prévu… Et voici ma maîtresse qui arrive, déguisée en kajira, tout comme moi, à présent.
Voix de Nacer. – Ah pitié…
Voix d’Ismée. – Allons, ne fais pas ta farouche!
Voix de Nacer. – Pitié, vous dis-je!…
Voix d’Ismée. – Tu vas voir comme c’est bon…
(Entre Aïcha, vêtue de silks.)
Scène 6. Nacer, Aïcha, Ismée, Leyla.
Aïcha. – Mais que fais-tu as présent, Leyla… Te voilà redevenue kajira? Et mes vêtements?…
Leyla. – Je vous expliquerai, maîtresse. (On voit un coussin voler…)
Voix de Nacer. – Ah! Vous vous trompez de trou!
Voix d’Ismée. – C’est que je n’en trouve point d’autre.
Aïcha. – Mais enfin, ma petite, ces cris, ce remue-ménage?
Leyla. – C’est un infidèle qui, déguisé en femme, se fait prendre par… euh!... par une femme déguisée en homme.
Aïcha, secoue la tête, visiblement fort surprise. – Enfin, si c’est un étranger, c’est assurément moins grave…
Voix de Nacer. – Naye! pas dans la bouche, je vais encore avoir des aphtes!
Voix d’Ismée. – Ah oui! mords-moi la queue, salope!…
Leyla, criant presque, afin d’être entendue de Nacer. – Naye, c’est un garçon d’ici… Par «infidèle», je veux simplement dire qu’il a trompée celle qui lui a abandonné les régions les plus secrètes de son corps!
Aïcha. – Par les Sardars! Si c’est un homme du Tahari, il faut mettre fin au massacre. (Elle n’a pas le temps d’agir. Nacer sort de dessous les coussins, en caleçon à pois, un voile sur la tête, il se rue vers la porte, suivi immédiatement d’Ismée un drap également sur la tête et portant son harnais godemichet. Tous deux sortent.)